mardi 24 février 2015

Collectif Lisanga

« Je ne suis pas un militaire. Ma seule arme, c’est ma parole, les mots, l’art. » Patience Bonheur Fayulu Mupolonga. Lisanga signifie « groupe » ou « ensemble » en lingala ̶ langue parlée notamment dans la République démocratique du Congo. Créé en 2012, le Collectif Lisanga regroupe Patience Bonheur Fayulu Mupolonga, Tachandy Barnett, Dumisizwe Vuyo Bhembe et Lauriane Mbemba. Le Collectif Lisanga est né en 2012 du projet Prélude (projet d'accompagnement pour les artistes de Villeray— Saint-Michel—Parc-Extension en collaboration avec la TOHU, le Cirque du Soleil et le Conseil des arts de Montréal). Nouvellement émigré au Canada, Patience Bonheur Fayulu Mupolonga rencontre la marionnettiste, comédienne et metteure en scène Patricia Bergeron, puis le percussionniste Dumisizwe Vuyo Bhembe. Par la suite, s’est joint au collectif la chorégraphe Tachandy Barnett et la comédienne Lauriane Mbemba. En 2013, Fayulu bénéficie du Programme d’accompagnement – Créativité et développement de carrière du MAI.

LA FILLE DU SOLEIL par le Collectif Lisanga

La fille du Soleil Conte féministe interdisciplinaire Née d’un père polygame refusant toute descendance féminine, Liloli est confiée par sa mère au soleil pour sa propre protection. Jusqu’au jour où le père apprend la vérité… Pour ce conte féministe avant la lettre, jeu masqué et chorégraphie se marient habilement pour ce théâtre d’ombres réactualisé. Adaptation théâtrale du conte angolais La Fille du Soleil et de la Lune, Patience Fayulu Bonheur revisite avec éloquence ce conte traditionnel. Deux contes dont l’univers s’anime généreusement en ombres chinoises, à travers un rétroprojecteur, au rythme des percussions, et grâce à la danse contemporaine et africaine. « J’aime apprendre et découvrir de nouvelles choses, de nouvelles cultures, d’autres façons de faire les choses. Et j’essaie toujours de garder cette ouverture dans mes créations. » Même s’il clame ne pas vouloir « s’enfermer dans la connotation purement africaine », Patience souhaite aussi faire découvrir sa culture à travers son art. « L’Afrique est si grande et la culture africaine est tellement variée… » Les contes et la tradition orale, par exemple. En Afrique, « l’histoire a toujours été transmise oralement, les légendes ont toujours été communiquées de bouche à oreille, les mythes ont toujours été crées collectivement, inconsciemment, au pied d’un manguier, dans les ténèbres profondes du soir quand seules résonnaient les voix tremblantes des vieillards », explique le journaliste Ryszard Kapusinski dans Ébène. Une tradition qui perdure encore aujourd’hui. « Tous ceux de ma génération connaissent ces contes. Nos parents nous les raconte quand on est petit pour nous donner des conseils, nous montrer la manière de vivre dans la société ou pour nous effrayer. D’autres contes utilisent les animaux pour parler et dénoncer la dictature. » La Fille du Soleil traite surtout de la place des femmes dans les villages africains. Un sujet qui touche personnellement Patience. Son père, polygame, a eu pas moins de 24 enfants. Il est le cinquième des six enfants que son père a eu avec sa mère, sa femme légitime. Mais il est surtout le premier garçon. « Ma mère a beaucoup patienté avant d’avoir son premier fils. Mon père voulait divorcer parce qu’elle ne lui donnait pas de garçons. J’ai en quelque sorte sauvé l’honneur de ma mère et le mariage de mes parents, d’où mon nom Patience Bonheur. » En Afrique, bien qu’il y ait des campagnes de sensibilisation, les filles sont souvent marginalisées. « Les filles restent à la maison puisqu’elles sont destinées à se marier, faire des enfants, s’occuper de la maison… Les envoyer à l’école est une perte de temps et d’argent. » Mais la situation était différente dans la famille de Patience. « Ma mère n’a pas eu la chance de pouvoir aller à l’école. Pour elle, le plus beau cadeau qu’elle pouvait nous offrir c’était de nous envoyer à l’école, ses fils comme ses filles. » Le combat d’une mère qui est devenu celui d’un artiste. « Toute une génération est sacrifiée parce qu’elle n’a pas accès à l’éducation. Les jeunes, filles comme garçons, cachent une multitude de talents. Mais ils n’ont pas la possibilité et les moyens de l’exprimer et de montrer de quoi ils sont capables ! » Artiste engagé, oui. Artiste utopiste ? Peut-être un peu. Patience n’arrêtera jamais de se battre et de vouloir changer les choses, aussi bien dans son pays que dans le monde entier. « Les hommes politiques, avec leurs discours et leurs actes, ont échoué. Nous les artistes, avec nos mots et notre art, ont peu changer la phase du monde, éradiquer la guerre, la violence et tous les maux qui rongent la planète. » ________________________________________ Article Rédigé le 14 octobre par Margot Cascarre Information complémentaire Le MAI présente : LA FILLE DU SOLEIL du Collectif Lisanga Les 17 et 18 octobre à 20h et le 19 octobre à 15h 21,50 $ MAI (Montréal, arts interculturels) 3680, rue Jeanne-Mance (514) 982-3386